vendredi 29 décembre 2017

PAUSE CRITIQUE DEC 17

avec Francis de Laveleye
(producteur et maître de conférences à l’Université Libre de Bruxelles)










La Promesse de l'Aube
Un homme intègre
Lumière!
Le jeune Karl Marx
La Villa
Les Gardiennes
Au revoir là-haut
La Passion Van Gogh
The Square
Le Redoutable




Photo : il est venu à Vierzon, avec sa femme France Brel :

(Un grand merci pour nous avoir donné l'autorisation de diffuser ses critiques sur notre blog.)


FILMS DECEMBRE





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La Promesse de l'Aube de Eric Barbier

Promesse tenue : le film est très réussi, dans un genre " grand classique " avec une option de biopic courageuse : de l'enfance à la maturité d'un très grand écrivain. La question des âges différents est bien gérée, Charlotte Gainsbourg fait de son mieux, parfois c'est un peu plus faible, mais parler polonais, fumer en toute circonstances, avoir un comportement souvent hystérique et cela de 30 à 50 ans environ, c'est un défi qui n'est pas trop mal relevé. Le récit, sauf le prologue, suit la chronologie, quel repos ! Il n'y a pas grand chose que l'on n'aie vu déjà : la Pologne misérable de l'avant guerre, l'antisémitisme qui infecte tous les cerveaux, certes avant la Shoah, mais qui l'a facilitée certainement. Puis le charme du Paris estudiantin, de Nice lumineuse, l'armée, l'Afrique, la guerre. Tout cela fait un film qui avance bien, avec des décors, des costumes, des acteurs, des scènes en tous genres qui font " bon cinéma ". Une mention particulière pour les scènes d'aviation et de combats aériens. Dunkirk à côté, c'est juste rien du tout. Mais la chose sans doute qui, à mes yeux, distinguera positivement ce film c'est le travail de l'image, absolument remarquable. Il marque les époques, il intègre des documents existants d'archives, il y a une ambiance contrastée à chaque époque, en chaque lieu. Superbe. Le chef opérateur belge Glynn Speeckaert est au sommet de son art et rejoint les maîtres de la peinture flamande qui, par leurs cadrages, leurs lumières, les recherches de profondeur de champ et de flou, les diffusions, créent un univers qui correspond parfaitement à l'atmosphère qui sert le récit. Si vous n'avez qu'une raison pour aller vous laisser transporter par ce film, ce pourrait bien être la beauté et le talent des images. Le tax shelter a encore servi le cinéma français. Mais des techniciens,  des talents " bien de chez nous " sont au générique (Bonjour Héloïse M) et il y a eu des tournages en Belgique. Mais cela ne se voit pas... Pourtant l'on pourrait s’enorgueillir du champ d'aviation par exemple.

Le personnage " central " n'est peut-être pas Gary, mais sa Mère. Une mère russe si bien décrite par Alain Bosquet. Ce type de personnage véritable pieuvre, mygale, donne l'une des lignes fortes du film ; mais il en est d'autres : la Pologne antisémite, l'avant-guerre puis le combat. La découverte de l'amour par un jeune homme qui en profite gaiment.

Bref, un film qui se laisse regarder avec plaisir et qui est d'un niveau proche du cinéma anglais si performant en matière de reconstitution historique.



438

A Man of Intergrity de Mohammad Rasoulof

Un film iranien, politique, austère et très intéressant. Mais ce n'est pas un feel good movie de fin d'année. Un homme fait de la pisciculture. Son épouse dirige une école. Et leur fils grandit dans cet univers très rigide, corrompu, sous la pression des radicaux religieux et des mafieux qui font bon ménage. L'histoire n'est pas simple à suivre, tortueuse, elle met en jeu des mécanismes narratifs qui sans doute reflètent bien la complexité, les paradoxes et les violences d'une société dans laquelle vivre simplement semble impossible. Le film se mérite, car rien n'est expliqué de façon limpide, les particularités de la société iranien nous échappent sans doute, mais reste ce sentiment que la défense de l'intégrité, le refus du compromis, de la soumission, sont des préoccupations universelles et le film en donne un écho très stylé, de belle qualité esthétique, avec des acteurs tous convaincants et des tensions successives qui maintiennent l'attention, malgré un rythme général lent, un certain sens de la contemplation laissant de longs moments de méditation, comme lorsque le héros va s'immerger et s'isoler pour se ressourcer et raffermir ses convictions morales et éthiques.

Voilà sans doute un film qui fera l'objet d'exégèses et d'utilisations pour cinéphiles pointus. Ils auront de quoi se mettre sous la paupière. Et auront de la considération pour ce cinéaste qui paye de sa personne, prend des risques pour sa propre liberté en critiquant un régime et une pensée obscurantiste qui ne le tolèrent pas.

439

Lumière ! de Thierry Frémaux

Éblouissant. 108 sujets de 50 sec. tels que sortis de la caméra des Frères Lumière. Plus marrants que les Frères Dardenne, ou Cohen, très étonnamment.
Le réalisateur, qui n'en est pas un, connaît admirablement le cinéma et le patrimoine cinématographique des origines (1895-1905). Il a fait une sélection très savoureuse de ces mini films et les commente. Ses commentaires sont généralement très subtils, annoncent le détail à ne pas rater, l'élément à voir, le talent à considérer. A force d'entendre " ce chef d’œuvre, c'est magnifique, superbe, extraordinaire ... " on se lasse un peu en souhaitant plus de liberté pour se forger sa propre opinion. Et il y a de quoi. L'essentiel du cinéma est déjà visible : les cadrages, certes issus de la peinture sur le motif mais tellement soignés, les mouvements dans l'image, les mouvements de l'image, les diagonales qui dynamisent les déplacements, la profondeur de champ... Et tous ces sujet successifs, séparés par un instant de noir, finissent par composer le portrait d'une époque. Déjà la mise en scène s'invite lorsque manifestement les actions sont menées " pour la caméra " et dans une durée ad hoc. Allez vous rincer l’œil, vous en aurez le regard éclairé, plein de lumière et de bonheur. Un mot du réalisateur cinéphile d’exception, il est l'un des prélats les plus titrés au Vatican du cinéma : le festival de Cannes qu'il a profondément enrichi, diversifié et ouvert aux cinématographies " différentes ". Il est directeur artistique de l'Institut Lumière de Lyon avec Bertrand Tavernier qui a montré ce film de montage superbe (292 Voyage à travers le cinéma français). Malheureusement il a été publié au Seuil " Sélection officielle ", un journal de 610 pages d'un narcissisme hallucinant, fait de rendez-vous mondains, de prouesse en avion, en train et à bicyclette. Un exemple caricatural de name dropping qui n'apporte que très peu, quelques paragraphes succulents qui vous feront comprendre l’image de fin de Lumière, après le générique ; ne quittez pas la salle trop vite. Et admirez la souplesse avec laquelle les images tournées au nombre de 16 par seconde sont projetées au nombre de 24 sans créer de gêne, celle que provoquent les saccades habituelles dans ce cas fréquent.

440

All The Money in the World de Ridley Scott

L'argent ne fait pas le bonheur mais un très beau film. Le film parfait en ceci que tout est admirablement réussi : structure et rebondissements du scénario, acteurs tous excellents (ne ratez pas Romain Duris en mafieux italien), une image " léchée " aux petits oignons (quelle leçon de cinéma !) un montage, une musique, un rythme tant dans les plans que dans leur succession. Vous vous amuserez de voir toujours courir vers le téléphone lorsqu'il sonne. Les décors tant intérieurs qu'extérieurs sont fastueux. Le Colisée sous la neige, Rome envahie de voitures d'époque, la lumière superbement travaillée pour maintenir cette ambiance de tension, de contraste si propice à un méga polar pour les (très) beaux quartiers et les paparazzi. Avec ce je ne sais quoi qui émane du fait que l'on se souvient plus ou moins de cet abominable fait divers. Cela dit, ça ne va pas très loin. Une histoire crapuleuse qui fait réfléchir sur les valeurs humaines, sur les priorités et les comportements des gens ; du moins ceux qui sont confrontés aux valises remplies de billets verts. C'est le cas d'une minorité qui fait un peu écarquiller les yeux de la majorité des honnêtes gens. Bref, un spectacle de fin d'année, de fin de règne.


Ainsi se termine la saga des 117 films de 2017.

Si j'ai pu vous intéresser, vous amuser, vous motiver à vous rendre au cinéma, j'espère que ce fut à bon escient !

Tous mes vœux pour 2018, c'est pour demain matin.

Francis de Laveleye






432

Der junge Karl Marx (Le Jeune Karl Marx) de Raoul Peck

Ce qui me parait capital dans ce film, c'est sa beauté formelle, sans outrance, une très belle reconstitution d'époque. Nous sommes à la fin de la première moitié du XIXe siècle, en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, à Paris. En ville, dans des usines, à des meetings, des rédactions de journaux, et petit à petit se nouent des liens qui marqueront l'histoire. Engels et Marx dans leur quotidien, incarnés de façon crédible et talentueuse.

Par contre, demander à Gourmet d'être Proudhon,  ce n'était pas prudent ; on est passé à deux doigts de la catastrophe, une fois encore. Mais tous les rôles, même modestes, ont une unité de style qui s'intègre bien dans cette atmosphère brune, laborieuse, aux éclairages souvent insuffisants qui augmentent encore ce sentiment d'étouffement ressenti par le spectateur, reflet subtilement restitué d'une condition ouvrière nouvelle - celle de la révolution industrielle - et terrible, celle de l'asservissement aux lois du marché, celles de la concurrence et de la privatisation du profit.

Après Baldwin dans I am not your negro (390) c'est Marx qui est l'objet de ce film du talentueux Raoul Peck qui avait marqué déjà par son Lumumba. Un militant du cinéma. Dont la carrière politique et académique sont d'une rare richesse. Ce film me semble parfaitement maîtrisé, coulé dans une forme, une esthétique en parfaite adéquation avec son propos. Nous sommes aux antipodes du biopic, du spectacles " historique ", de l'histoire d'amour et de la description psychologique de fortes personnalités. Et pourtant tous ces éléments contribuent à l'intérêt du film de façon ... manifeste. Un film d'histoire pour l'avenir. Et l'occasion est bonne de souligner qu'ici le Tax Shelter, dans une coproduction européenne ambitieuse, trouve sa parfaite raison d'être.



433

La Villa de Robert Guédiguian

La vie, là, au milieu d'une calanque proche de Marseille, où tout se passe. L'histoire d'une famille dont on découvre les méandres, les peines, les frustrations, les fidélités et le sens du devoir. Devoir filial, devoir de mémoire. Puis devoir de citoyens. Deux frères et une sœur se retrouvent sur leur lieux de jeunesse, au chevet d'un père terrassé par un AVC. Le spectateur est invité à suivre ces retrouvailles, ces émotions que nous pouvons tous ressentir, partager, avec empathie. Car au delà des anecdotes du parcours de chacun, ce sont des exemples de vies qui peuvent nous concerner tous. L'histoire d'un couple de voisins semble une véritable parabole sur la fin des uns, l'avenir des autres. Les images simples, le jeu des comédiens, le rythme paisible et soutenu du récit, tout contribue à nous faire partager cette réunion de famille sans outrance, sans hystérie, mais pleine de cette humanité que Guédiguian sait faire jaillir subtilement devant la caméra avec des acteurs tous parfaits de justesse et de sensibilité.

L'actualité s'invite même au cœur du récit, aidant à remettre les pendules à l'heure. Et vous apprendrez comment passer un pull à une personne qui ne prétend pas quitter la main d'une autre. Tout un symbole.



434

C'est tout pour moi de Nawell Madani et Ludovic Colbeau-Justin

Et elle l'a bien mérité : le film est magnifique. Certes pas dans la catégorie " prise de tête pour intellos " mais c'est tout pour nous : Quels talents, quelle émotion, quelle énergie. Quel superbe film débordant de vie, de vivacité. Un hymne à la multiculturalité, à la jeunesse, à cette culture émergente qui est une nouvelle vague de talents, de joies, d'émotions. Et de militantisme social et intergénérationnel. Féministe aussi dans le sens le plus riche du terme.

L'histoire se déroule suivant une chronologie simple sur plusieurs années. Celles qui vont de la petite enfance, à l'accession enfin au but recherché par une femme exceptionnelle, certes, mais tellement en empathie avec les siens, avec ses semblables, avec les personnes qui l'entourent, la stimulent, l'inspirent et parfois la combattent. Le rythme du film ne faiblit jamais, les personnages existent, tous, même si ils ne sont qu'évoqués. Il y a une modestie dans les choix des événements qui nous rend l'histoire infiniment proche. Et Nawell Madani est exceptionnelle de talent, de beauté, d'énergie. Un film qui fait rire et pleurer, qui amuse et interpelle, un exemple de ce que tout le monde devrait voir car il illustre que c'est possible, mais pas facile. Et pour le coup, le Tax Shelter est utilisé à propos me semble-t-il. Les vues de Bruxelles, les scènes qui s'y déroulent ont un sens dans la narration de l'histoire. Et si Olivier Gourmet veut apprendre ce qu'est un bon acteur, vrai, qu'il regarde bien Mimoun BENABDERRAHMANE le père chauffeur de taxi qui en est lui à son premier rôle.



434

Jeune Femme de Léonor Serraille

Le film est structuré comme Cléo de 5 à 7, mais sur une durée plus longue. Une jeune femme donc ne quitte pas l'écran, elle est filmée avec une énergie, un sens du cadre et du mouvement qui laisse pantois. Cette comédienne est prodigieuse d'énergie, de folie, de force de caractère et son destin de paumée, jetée par un mec peu scrupuleux, airant dans un Paris peu hospitalier finit par toucher le spectateur plus qu'il ne l'irrite.
Ce n'est pas un film pour le réveillon de Noël mais un moment d'humanité d'une rudesse, d'une intensité rare et rendu avec un talent éblouissant.


434

Marquis de Wavrin, du Manoir à la Jungle de Grâce Winter

Voilà un film tout à fait improbable, dont les images sont quasi toutes issues de boîtes de films oubliés, tournés par ce personnage de bandes dessinées. C'est d'une intelligence, d'un raffinement et d'un intérêt exceptionnel. Certes le sujet n'est pas de ceux qui attirent les adeptes des super héros. Et notre homme n'en est pas un. Il était une espèce de Tintin dans sa version " explorateur ". Comme si l'on avait pu montrer Stanley ou Livingstone, en Afrique, eux. Et les images ramenées d'Amérique du Sud fascinent, même si elles sont parfois un peu répétitives. Ce Marquis a parcouru ces contrées à une époque où personne venu d'Europe n'y avait mis un pied. Bref, du tourisme avant que n'existe le terme, de l’ethnologie sans y être formé, un grand reporter équipé de deux caméras de 40 kg chacune, une sorte de douce folie où se mêlent le goût de l'ailleurs et du dépaysement.

Il faut se laisser promener par ce film comme sans doute, au fil de l'eau, des pirogues permettaient à des explorateurs de découvrir l'inconcevable.

En outre, ce documentaire est une belle réussite en terme de production : un sujet hors actualité, hors vedette, bien mieux qu'un portrait hâtivement brossé comme il s'en voit tant à la télévision. Un spectacle rare qui fait naître l'envie d'en voir d'autres encore, issus des tréfonds de notre Cinémathèque.



435

Tueurs de François Troukens et Jean-François Hensgens

Ce n'est pas par compartiments. C'est tous dans le même sac, tous pourris. Une belle production très belge qui n'a pas trop à souffrir d'Olivier Gourmet dans le 1er rôle ; mais on l'a échappé belle. La distribution est très riche, talentueuse et donne une belle image du viviers d'actrices et d'acteurs belges qui ne demandent qu'à être mis en action dans un tel film qui rivalise sans honte avec des polars, des films triller et de gangsters de haut vol. Même si le scénario ici ou là accuse quelques faiblesses, des raccourcis ou des invraisemblances qu'il aurait été utiles d'éviter par un travail en amont plus approfondi. En particulier pour que l'on comprenne que le massacre du début n'est vraiment pas l’œuvre du gangster qui va faire son dernier casse avant de se ranger des voitures. Ce qui gêne plus c'est le poujadisme nourri de faits divers belges qui donne du travail de la police, des collusions supposées avec les arcanes judiciaires, une sorte de pseudo évidence sans le moindre élément pour l'étayer. Mais c'est dans l'air du temps : un peu des Tueurs fous, des attaques de fourgons, un soupçon de Haemers et son suicide par pendaison au radiateur... Tous y passent, du maton au ministre. Et il y a des images qui glorifient les crapules et banalisent les cadavres, qu'ils soient de ripoux ou de flics idéalistes, traités avec cynisme sur pieds d'égalité. Un film très réussi ; pour tuer le temps. Car il n'y a pas mort d'homme.


FILMS NOVEMBRE
436

Les Gardiennes de Xavier Beauvois.

On aurait tort de s'en garder. Le film est de très grande qualité, d'une esthétique voisine de Jean-François Millet, celui de l'Angélus. Les acteurs sont tous très attachants, peut-être Nathalie Baye souffre-t-elle de manque de crédibilité en maîtresse femme aux commandes d'une ferme désertée par les hommes mobilisés pour la grande guerre. Ce film est subtilement féministe en ceci qu'y sont dépeintes différentes femmes que la guerre pousse à occuper des fonctions auxquelles elles n'étaient en rien préparées. La complexité des trajets de chacune pendant ces années est joliment construite, entremêlée et donne une diversité de réactions, de comportements, d'attitudes très nuancées et riches humainement. Les saisons, les années passent, avec leur cortège de deuils, de désirs, de complicités et de jalousies. La description de la fonction cléricale est un régal. Et les longs plans sur les visages bouleversés et pleins d'émotions durant les messes aux morts est une très belle réussite de mise en scène. Comme Des Hommes et des Dieux l'avait montré déjà brillamment. Le film affirme son style " classique " en ce sens qu'il n'y a aucun effet de montage, les plans sont moyens, laissent voir l'ensemble, les déplacement de caméra prennent leur temps, les mouvements d'appareil sont majestueux pour que le spectateur suive par exemple le départ du fils en uniforme vers une mort sans doute certaine, avant de revenir lentement sur les lieux qu'il quitte. Il y de nombreuses séquences qui donnent à voir Les Travaux et les Jours d'alors. Voilà la vie qu'ont dû subir bon nombre de gens lorsque la folie humaine déchaînait ses boucheries et laissait " à l'arrière " des victimes indirectes prendre leur destin en main. C'est émouvant, tendre et inspire confiance. Le Tax Shelter a une nouvelle fois co-financé ce film qui est à la Belgique ce que le riz est à la cuisine italienne.


422

Au revoir là-haut de Albert Dupontel

Bonjour le talent, le style, l'originalité du scénario, le casting, les décors et les costumes, bref tout ce qui fait un film d'exception !
La structure est simple, même si très vite elle s'estompe : un ancien combattant de 14/18 conte à un enquêteur son histoire depuis les tranchées jusqu'à son séjour en Afrique du Nord après la fin de la guerre.
Et cette histoire est singulière puisqu'une amitié très forte s'est nouée sous la mitraille qui a mutilé son proche ami. Une Gueule Cassée.
Il y a un souffle exceptionnel qui traverse tout ce film : des histoires de famille, d'amour, le désespoir et une forme de rédemption qui s'entremêlent de façon très lisible et en même temps tempétueuse, tant les enjeux et les destins sont bouleversés et bouleversants.
Ce qui m'a semblé le plus singulier, c'est le ton décalé de tout cela. Le jeu des acteurs, l’extravagance de certains costumes, des scènes étranges dépourvues de réalisme mais qui font sens dans cet après-guerre de rapaces avides d'argent. Les voitures sont étonnantes, les rencontres improbables, invraisemblables même, mais le ton général du récit y prépare de façon presque insensible. Max Ophuls, Jean Cocteau semblent être les parrains discrets de ce film hors normes mais énorme. Rarement me semble-t-il l'écriture cinématographique a-t-elle trouvé un équivalent en terme de richesse scénaristique, esthétique, stylistique, formelle.
Ce film est aussi une façon de " Penser la Guerre ".

423

Victoria and Abdul (Confident Royal) de Stephen Frears

Le film est ce que l'on attend : un superbe spectacle de reconstitution historique, à la fin du règne très protocolaire et compassé de la fameuse Reine Victoria. Et voilà que deux indiens viennent apporter l'on ne sait quelle médaille, quelle distinction, à la souveraine. A partir de là se noue, sans que l'on arrive à la qualifier, une relation singulière. Ce lien d'une totale incongruité au somment de l’état est l'objet de ce récit et nous amuse. Mais au delà, il interpelle les fondements de l'organisation sociale. Cela peut paraître un peu désuet, d'une autre époque (et c'est la cas) mais cela n'en reste pas moins pour notre époque une magnifique fable sur le rapprochement des contraires, l'enrichissement par ses différences, l'importance de toujours apprendre de l'autre, d'accepter l'étranger voyageur comme un autre soi-même. Déjà à l'époque les musulmans semblent être des adeptes d'une religion méconnue et incomprise. Le film est fastueux, il s'ajoute à ces grandes fresques cinématographiques dont la vertu première, à mes yeux, est de redonner vie à un monde révolu dont seules des images, des textes, rendent comptent aux générations à venir. Voilà pour leur plaisir et leur gouverne une sorte de réincarnation d'un monde qui ne connaissait pas la télévision mais dont on peut enfin, à travers ce type de film, apercevoir un quotidien plein de charme et de surprise. La fin du film ne manque pas de surprendre en effet et de nous ramener vers des passions humaines qu'aucun carcan protocolaire ne semble pouvoir éradiquer. Frears est un réalisateurs des plus prolifiques et la luxuriance de cette production lui donne l'occasion, une nouvelle fois, de laisser toutes les facettes de son talent (et à son équipe, image, décors, costumes...) l'espace somptueux nécessaire à leurs déploiements.

424

Tout nous sépare de Thierry Klifa

C'est le cas de le dire : un film parfaitement inutile mais admirablement mené et interprété, malgré quelques faiblesses de scénario (des invraisemblances et des longueurs).
C'est aussi une nouvelle provocation caractérisée aux détournements de l'argent public belge par le biais du Tax Shelter qui même si il n'est pas illégal est difficile à justifier malgré des techniciens belges qui légitiment malgré eux ce genre d'évasion inspirée des paradis fiscaux. Illégal, non ; moral ... à vous de voir.
La moral dans ce film n'a pas grand chose à faire : des crapules de province qui se volent et se tuent. Le tout sur fond de trafic de drogues et de toxicomanie. Très charmant. Avec la belle scène (vue cent fois déjà) du combat à mort entre deux chiens ; on a les paraboles annonciatrices qu'on mérite.

425

Loving Vincent (La passion Van Gogh) de Dorota Kobiela & Hugh Welchman

Adorable. Un film comme il n'y en a aucun autre : il est peint à la façon de Van Gogh, avec ces fortes touches de couleurs, laissant percevoir encore la pâte de ses coloris superbes. Mais il n'y a pas que l'univers enchanteur de ces images qui font de ce film une exception : il y a la subtilité du scénario et les partis pris narratifs qui en font une sorte d'enquête avec des retours en arrière (subtilement montrés eux en noir et blanc) et qui permettent de redonner vie à Vincent Van Gogh lui-même.
Tous les personnages du film nous sont plus ou moins connus par la peinture de l'artiste et aussi par les bribes que nous savons de sa biographie. Tout cela est narré avec talent, finesse, non sans laisser planer entre les divers récits, les points de vue différents, une ambiguïté, un malaise qui ne nous quittera pas à la fin du film. Qu'est-il vraiment arrivé à cet homme ? C'est ce que le fils du facteur va essayer, contre son gré, de savoir en essayant de s’acquitter d'une tâche impossible : remettre la lettre d'un mort à un autre mort. Mais tout cela lui permet de redonner vie à ces personnages, dans leurs complexités et leurs mystères.

426

You Were Never Really Here (A Beautiful Day) de Lynne Ramsay

But not a beautiful film. Puisque l'on traduit l'anglais en anglais pour les besoins de la distribution, faudra se mettre à écrire en anglais...
Une espèce de brute autiste (les dialogues n'ont pas épuisé les sous-titreurs) passe ses journées à tuer des gens, sur commande, comme un livreur de pizza. Sauf qu'il s'introduit généralement de façon particulière chez ses victimes : vous aurez droit à toutes les variantes de back-dors et escaliers de secours fort bien filmés. Bien entendu rien ne l'arrête et lorsqu'il doit se battre physiquement pour se dégager, c'est King Kong en pleine crise d'épilepsie. Tantôt il tue au révolver, tantôt au marteau. Bref, une boucherie répugnante sans aucun sens ni aucun intérêt. Les personnages qu'il croise sont aussi développés que des tweet de Trump. D'un simplisme réduit à un titre de magazine pour salon de coiffure. Même la petite victime des pédophiles n'a droit qu'à quelques plans pitoyables et une fausse fin qui serait amusante si elle ne s'apparentait pas aux pires excès de Tarantino.
Ce que la cinéaste réussit remarquablement, c'est sa mise en image, toujours très sophistiquée tant pour les cadres et les mouvements d'appareil que pour les éclairages qui donnent à ce film un niveau très élevé techniquement. D'autant que le travail sonore est passionnant par les discrètes mais subtiles exagérations des sons d'ambiance et une musique ironique qui aide à prendre son mal en patience.
Le film est promus comme le Taxi Driver du XXIe siècle ; prenez le tram ou allez à vélo...

427

The Square de Ruben Östlund

Un carré long ; très long. Mais d'une force créatrice peu ordinaire. Un homme, directeur de galerie d'art contemporain, vit les pires moments que ce métier semble provoquer. La confrontation avec deux créatifs publicitaires plus crétins que nature, pleins d'amphigouri, est l'une des saveurs du film. Il en est d'autres : la réduction à la simple mécanique de l'accouplement, latex compris. L'interview absolument désopilante qui donne la mesure du néant. Le ramassage par l’équipe de nettoyage d'une partie de l’œuvre trônant sur le sol dans une salle du musée. Et un dîner ponctué par une sorte de flash mob en one man show, celle d'une espèce hybride entre l'homme et le singe. Grandiose. Mais soit... Il y a d'ailleurs un vrai singe que l'on aperçoit de ci de là. Très sympa et qui contribue à nos réflexions. Car ce film parle de façon métaphorique de la distance intersidérale entre la pauvreté, la misère, la solitude et l'incroyable snobisme, les privilèges les plus outranciers de cette population qui se pâme devant l'incompréhensible qui devient un code de reconnaissance d'une élite qui n'est reconnue que par elle. (85) Turist/Snow therapy était un film du même réalisateur centré sur la dynamique familiale. Nous voici en plein dans le social et la complexité des rapports économiques entre individus. Il y a dans ce film une abondance de sujets, comme ceux abordés avec plus ou moins de désinvolture, de provocation et d'ennui lors de ces échanges que permettent la vie mondaine, les dîner entre happy few, dans les " place to be " histoire d'être vu là ou " ça " se passe sans que l'on ne sache ce qui se passe vraiment ; souvent rien que l'expression des vanités humaines et l'angoisse de savoir ce que l'on dira de ce qui a été dit.

428

The Killing of a Sacred Deer de Yorgos Lanthimos

Ce n'est pas une mort subite ; ça traine deux heures durant. Mais dans la haute couture cinématographique. Les acteurs sont particulièrement attachants et trois adolescents exceptionnels. L'idée est originale qui nous fait découvrir progressivement le plan de " vengeance " ourdi par le fils d'un homme mort en cours d'opération chirurgicale. Nous sommes donc plongés dans un milieu aseptisé qui progressivement se révèle une machine anxiogène jusqu'à la folie. Personnellement cela me laisse froid tellement c'est artificiel et prévisible. Mais c'est superbement filmé, cadré, éclairé et la bande sonore à elle toute seule doit surpasser Hitchcock, Alien et tous les films d'horreur pour intellos qui sont ici les références d'un code qui me parait de peu de charme et d'intérêt.

429

Le Brio de Yvan Attal

Brillant ! Voilà un film dont, à priori, l'on n'attend rien qu'une sympathique comédie distrayante. Et qui se révèle un film fort, atypique, important.
Un Pygmalion improbable, éblouissant bateleur d'estrade à Assas, faculté de droit dont la réputation droitière est bien connue, jette son dévolu sur une Galatée issue de l'immigration. Daniel Auteuil et sa Fair Lady, Camélia Jordana, que rien n'aurait dû rapprocher, portent le film et le font avec une vigueur, un sens magnifique de l'interprétation de personnages riches et complexes.
Mais il n'y a pas que cette confrontation de générations, de culture, il y a aussi le récit par petites touches finement décrites, des banlieues problématiques, sans tomber jamais dans les clichés. Camélia vit a Créteil, lieu de la jeunesse du réalisateur. Le métro, lieu de mélange social, est presque un personnage du film. Puis il y a cet autre  mélange : université-barreau et belles carrières qui est subtilement évoqué.
C'est un film qui repose sur les dialogues ; ils sont remarquables ! Que ce soit ceux des protagonistes, des personnes croisées au hasard, des pontes aux réputations d'excellence ou des jeunes loups prêts à tout pour briller dans les concours d'éloquence.
Dialogues aussi via le téléphone portable qui est, à un moment, décrit de façon irrésistible par Auteuil qui n'en laisse rien, pas plus que des réseaux " soseaux ", c'est hilarant et si bien vu. Ne ratez pas la scène familiale entre Camélia, sa Mère et sa Grand-mère : une splendeur d'humour, de tendresse, et qui en dit beaucoup plus sur l'intégration progressive des populations émigrées que de longs discours alambiqués de ceux qui pensent et savent.
Ce film nous rappelle que la langue n'est pas un outil de domination par le savoir et la culture de référence, mais un moyen de réfléchir, de raisonner et de dialoguer. Et pourtant les échanges entre protagonistes ne sont pas dépourvus de provocations, d'un racisme et d'un sexisme qui contribuent à la confrontation, certes, mais aussi à nous interroger chacun de nous, sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas dans les propos quotidiens.
L’ascenseur social est ici un escalier qui, marche par marche, permet d'accéder aux raisonnements qui émancipent, aux échanges constructifs avec ses semblables. Le dynamisme de la mise en image, mouvements d'appareil, cadres, lumières et partis pris esthétiques affirmés contribuent à faire de ce film une histoire que l'on suit avec autant de plaisir que de surprise. Et qui laissera des traces dans nos mémoires car le film interroge notre quotidien.
N.B. En avant générique, un extrait de l'interview " BREL PARLE " réalisée par Marc Lobet le 8 juillet 1971 sur pellicule couleur inversible. L'image est restaurée depuis peu par les moyens numériques. Il n'est pas besoin de vous dire (bel exemple de prétérition) que cette image projetée pour la première fois en salle sur grand écran est magnifique.

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Maryline de Guillaume Gallienne

Une petite pépite. Guillaume et les garçons, à table ! avait déjà donné la mesure du talent d'un acteur devenu réalisateur. Ici, s'il n'est plus à l'image il laisse toute la place à son actrice Adeline D'Hermy sortie de " nul-part " mais prodigieuse. Le film suit durant plusieurs années une petite oie blanche qui rêve de faire l'actrice. Au cinéma, au théâtre. Avec un sens de l'observation, une précision dans chaque détail, le parcours, tout est est décrit de façon très précise et cruelle. Douloureuse.
Tout cela dégage une grande émotion et de subtiles saynètes illustrent les épreuves, les humiliations et les joies de la vie d'une actrice " ordinaire ". Je peux vous dire que c'est bien vu, du vécu ! Le maquillage de Katje Van Damme, la photo de Beaucarne contribuent beaucoup à créer ce portrait tout en nuance, en douleur et en éclats de rire. Ces talents sont, avec la scripte et les studio de bruitage, les seules justifications je crois de l'évasion fiscale organisée une fois de plus via le Tax Shelter au bénéfice d'un film franco-français.

431

En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui

On attend beaucoup et elles ne prennent guère leur envol. Mais le film mérite d'être considéré. Il est algérien, d'une mise en forme d'un académisme très suranné, mais non dépourvu de charme. Le récit est un peu le passage de relai entre histoires successives : un personnage apparaît soudain et mobilise l'attention de la caméra qui va le suivre et nous dévoiler " son " histoire. Jusqu'à ce que l'histoire suivante démarre, suivant un autre personnage croisé presque fortuitement. Le problème est que ces histoires sont toutes assez insipides, confuses, mal documentée, mal contées. Mais c'est évidemment le but. Il s'en suit le sentiment qu'une chape terrible empêche les gens de vivre, librement. De communiquer. Un enfant autiste semble a un moment cristalliser ce drame.
La rencontre puis la séduction entre un jeune homme, chauffeur, et d'une des jeunes filles passagères est d'une intensité immense mais, à part une danse arabe traditionnelle, rien de très érotique n'alimente cette tension. Une bastonnade violente n'est pas dénoncée par un témoin. Quant à la critique politique, il faut la lire, la deviner sans doute, dans le contraste entre des vues superbes des massifs montagneux et les espaces désertés des banlieues crasseuses. La musique est utilisée aussi de façon très forte. Bach est sollicité de façon magnifique tout comme les orchestres traditionnels et leurs corps de ballet. Ce film est l'illustration parfaite, me semble-t-il, d'un travail de débutant qui veut trop en faire, trop en dire, en affirmant un style académique à force de mise en forme " conceptuelle " : les plans de drones pour suivre les déplacements en voiture, c'est moderne et déjà tellement vu. Mais il y a des acteurs inconnus de nous, tous excellents, une sorte de vérité sociale qui ne peut que retenir l'attention de ceux qui aiment au cinéma, voyager dans l'espace et les cultures complexes, en grande mutation. Et mis à part un mariage, il n'y a pas grand chose de traditionnel dans ce film. Fera-t-il le printemps si non du cinéma algérien, au moins de ce réalisateur ? Attendons.




FILMS OCTOBRE


417

Tulip Fever de Justin Chadwick

Le mariage est bénit, la passion est honnie. Telle pourrait être la morale de ce film qui nous plonge dans la Hollande que la Tulipe rend folle. Tout cela s’agite entre le style de Vermeer et celui de Franz Hals. Les acteurs sont excellents, superbement habillés, les séquences sont d'un dynamisme de mise en scène que la beauté des images rend plus attrayantes encore. Les deux thèmes enlacés - s'ils ne sont pas neufs - sont porteurs de passion : l'amour entre un hommes et une femmes, l'amour de l'argent qui trouve dans la spéculation sur le commerce de la tulipe une forme d'expression, si non unique, au moins originale dans ce récit.
Hélas la sauce (hollandaise) ne prend pas... Nous allons de moments forts en moments forts sans qu'aucune construction cohérente ne donne à ce récit le puissant crescendo qu'il aurait mérité. C'est le bouquet pour une histoire fiévreuse.


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Mon Garçon de Christian Carion.

C'est le Tocsin. Comment peut-on mettre en production un film dont le scénario est anorexique ? Ça démarre assez bien, avec deux excellents acteurs.
L'idée de départ est forte et l'on se prend de sympathie et d'intérêt pour ces parents séparés qu'un drame rapproche soudain. Il y a des belles scènes, des échanges forts. Puis c'est le loup solitaire qui mène l'enquête d'une façon très peu crédible. Soit. Mais cela nous vaut des plans innombrables et répétitifs d'une silhouette filmée de dos, dans des maisons vides,  et l'on fini par penser qu'il va faire " Hou! un, deux, trois, j'ai vu, hein ! ". Rien de tel ne se passe. On reste au niveau du film façon suspens à tout petit budget qui tire sur la corde pour faire du minutage. Puis lorsque enfin notre héros arrive chez les 3 méchants, le film pratiquement s'arrête. Sauf quelques images façon Hamilton pour " payer " le cachet de l'actrice, fort belle au demeurant : Mélanie Laurent. Et excellente interprète dans les scènes de début du film. Après, elle disparait...

La troisième partie du scénario n'a pas été tournée. Elle n'existe pas peut-être... En tous cas on sort de la salle irrité d'avoir dû attendre la fin pour constater qu'il n'y en a pas. Alors il y a tout un blabla médiatique sur le fait que tout cela a été tourné en 6 jours... C'est pas la création du monde ! Bref, un film dont on se passe.



419

L'un dans l'autre de Bruno Chiche

Qu'ils y restent. L'idée est amusante et le scénario très laborieusement structuré pour nous en donner toute les ressources. Ils y a les scènes d'expositions, puis avec les mêmes ingrédients, le femme apparente mais qui est l'homme et inversement. Alors on rit lourdement. D'autant que les acteurs qui se donnent beaucoup de mal n'arrivent pas à donner corps à leurs personnages.

Sur le plan privé, deux couples avec une liaison croisée et invivable pour les amants. Au travail deux personnes très impliquées.

C'est du cinéma franchouillard bien léché par un réalisateur et un opérateur de films publicitaires qui confondent un spot et une scène, une campagne de pub et une structure narrative.

Et pourtant il y a trois choses amusantes à observer pour tromper son ennui. La façon dont le " qui pro quo ", mécanisme mille fois utilisé, est ici remis au goût du jour. Le mode de récit qui fait du spectateur le complice informé de ce que les protagonistes ignorent. Et enfin cette expression barbare de " body swap " qui indique qu'un corps est occupé par quelqu'un d'autre. Et ajoutons encore une de ces expressions " barbares " qui donnent si non l'impression d'être " L'un dans l'autre " au moins " dans le coup " : Le magic device, ce moment souligné par des effets optiques, des petites étoiles façon Fée Clochette qui soulignent pour le spectateur lambda le moment ou " cela se passe " : la ménagère épuisée qui découvre l'effet inattendu d'un produit nouveau, par exemple.

Vous en aurez une laborieuse illustration dans le film. Est-ce vraiment amusant ? Vous en jugerez devant la télé, un soir de pluie.



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Le Sens de la Fête de Éric Toledano et Olivier Nakache

La Noce chez les Petits Bourgeois, côté cuisine. L'idée est amusante qui nous fait vivre le quotidien d'un organisateur de fêtes de mariage. Jean-Pierre Bacri est cet organisateur et le film décrit une longue et difficile journée pleine de rebondissements. Il y a des idées très amusantes, des personnages bien trouvés, des dialogues qui font mouche. Le tout un peu hystérisé et trop caricatural. Si bien que le spectateur s'installe dans le fond de son siège en attendant le rebondissement suivant. Certains sont très bien trouvés, d'autres prévisibles, parfois franchement lourdingues. Alors oui, on s'amuse, mais petit à petit on se lasse et rien de neuf ne vient véritablement relancer l'histoire de ce naufrage annoncé. Le scénario tire même un peu sur certaines ficelles, revenant inutilement sur des situations qui étaient amusantes mais deviennent répétitives à force de devoir faire du minutage. Le plus cruel sans doute est de constater que cet excellent acteur qu'est Bacri n'a malheureusement qu'un seul style de jeu qui à force d'être répété finit par montrer sa limite. Une sorte de basse continue qui manque de mélodie. Cela n'enlève pas les mérites importants du film : une comédie " riche " par le casting, le faste des scènes, l'utilisation des lieux, et des numéros d'acteurs qui laissent le souvenirs de séquences bien enlevées. Mais qui manquent un peu de liant. La règle du jeu sans Renoir.


P.S. : La Noce chez les petits bourgeois (Die Kleinbürgerhochzeit) est une pièce de théâtre en un acte du dramaturge allemand Bertolt Brecht, écrite en 1919 et créée le 11 décembre 1926 au Schauspiel de Francfort dans une mise en scène de Melchior Vischer (de). Œuvre de jeunesse, elle n'est publiée qu'en 1961, cinq ans après le décès de Brecht.

421

Loveless (Faute d'amour) de Andreï Zviaguintsev

Un grand film de cinéma qui est l'expression d'un univers puissant, singulier, fascinant comme l'était déjà Leviathan, un autre film russe au style si particulier du même réalisateur. Nous sommes ici amenés presque par force à contempler, longuement, sereinement, tout un récit montré en plans larges, peu mobiles mais dont les mouvements accompagnent le regard d'un scrutateur attentif. Panoramiques lents, travelling d'accompagnement, vaste profondeur de champs qui montrent des intérieurs parfois " simples " parfois de vrais décors d'opéra, délabrés, en ruine, image métaphorique de la société russe, expression de la misère humaine qui envahit le destin de ces deux parents acculés aux confins d'un drame terrible, insurpassable.

Il est possible de lire entre les plans une subtile critique sociale de la Russie d'aujourd'hui. Ne ratez pas l'entreprise dans laquelle travaille le protagoniste et les échanges entre employés attablés comme du bétail. Et quelques moments que la police agrémente de son incurie inerte. Un film digne d'être aimé.





FILMS SEPTEMBRE





Le billet d’humeur de Francis de Laveleye
Posted on 12 October 2017 by Francis de Laveleye

Le redoutable de Michel Hazavanicius

Ne le redoutez pas, si vous connaissez Jean-Luc Godard et l’ambiance de 1968 en France. Cependant le titre est éponyme d’un sous-marin nucléaire, le premier du genre, mis en service en 1967. Nous vivons avec amusement le récit acide mais sans mépris de la vie de Godard le réalisateur à l’époque de La Chinoise, qui dégoisait de façon assommante et se faisait se pâmer une série de suiveurs, pas tous écervelés. C’est le livre écrit par son épouse d’alors qui a servi d’inspiration au scénario. C’est marrant sans être comique, avec des scènes très réussies, une narration, comme un pull mité, pleine de trous. Il y a comme dans un cocktail un peu accrocheur, ces mélanges de provocations et de scènes plus installées qui se succèdent dans une chronologie de reportage. Quelques moments à ne pas manquer (la dispute en voiture au retour du non Festival de Cannes…) Des images des rues de Paris en mai 1968, en couleur car tournées d’aujourd’hui, des moments d’intimité d’une froideur glaciale, des empoignades de germanopratins à bout de souffle (et de nerfs). En aucun cas redouter la nostalgie.

























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Rappel du tarif d'adhésion: 10 euros pour un an (de date à date) avec possibilité d'affilier 2 personnes si on le souhaite pour ce montant (chacune aura sa carte, ce qui revient à 5 euros l'adhésion avec cette option couple" au sens très large: amis, relations,...). 5 euros pour étudiant ou chômeur (possibilité également d'adhésion "couple", ce qui revient alors à 2,50 euros).
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Facile de nous trouver. Il suffit de taper "cinégraphe" sur Google par exemple...
(capture d'écran du 27 septembre 2017).










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Berry républicain 2 décembre 2017



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